Boulot ingrat ! [fb]

En stand-by depuis quelques jours sur une petite île de West, Maelann en profita pour s’entraîner. Sa mission ne consistait qu’à une simple remise de message, attendant naturellement un retour à transmettre. Des messages confidentiels comme ceux-ci ne devaient être remises qu’en main propre au destinataire. Le lieutenant devait même appeler son officier supérieur pour lui confirmer la restitution du colis auprès du destinataire. Quant à son contenu, Maelann ne s’en préoccupait guère et on ne lui demandait pas. Son boulot était de restituer, puis ramener une réponse aux officiers supérieurs. Un travail de larbin. Une tare pour beaucoup. Un job pour les lâches, les nuls, mais un job sécuritaire. C’était un travail si ingrat que les destinataires eux-mêmes ne respectaient pas l’équipage et son lieutenant, ne leur proposant réconfort pour le service rendu.

En plein maniement de sa lame, faisant abstraction de toutes pensées négatives, l’épéiste fut interrompu par l’un de ses hommes, qui arriva trombe, escargophone à la main. Ce doit être important, songea Maelann. Il se saisit de l’appareil après avoir rengainé sa lame et resserré son kimono. Il inspira un grand coup pour retrouver de l’air dans ses poumons. « Kerguerec, j’écoute. », fit-il d’une voix monotone, comme celle d’un robot formaté. Un long silence survint ensuite.

« Kerguerec, ici Çahourdant. Tu dois immédiatement te rendre sur Marre-Coche. Un d’nos gars s’est empêtré dedans pour fuir un groupe de pirates qui a décimé son équipage. », lança grossièrement cette colonelle.
« Vous souhaitez donc que mon équipage et moi allions dans la gueule du loup pour secourir un homme probablement mort, colonelle ? », rétorqua le lieutenant avec une pointe d’ironie.
« Ne jouez pas à ça avec moi, lieutenant. Débrouillez-vous. Allez-y seul s’il le faut. Mais ramenez-moi ce type. Coûte que coûte, Kerguerec. »
« Pouvez-vous m’expliquer en quoi cet homme vaut plus que ma vie ou celles de mes hommes ? »
« Il détient des informations cruciales pour toute notre institution. »

Par institution, elle désignait le Gouvernement Mondial. Inutile d’en demander davantage. De tous les colonels, Çahourdant était de loin la moins maligne, d’après des rumeurs qui circulaient très discrètement. Elle était tellement terrifiante que personne n’osait piper mot. Quelques échanges de formalités et ils raccrochèrent. Le lieutenant rendit l’escargophone au soldat et réfléchit sans bouger. Après un instant immobile, sous les regards hagards de ses hommes, Kerguerec commença à balancer une série d’ordres. Le premier était de complètement décharger le navire, le second consistait à retirer tous les pavillons et signes distinctifs de la marine ou du Gouvernement Mondial. Enfin, un effectif réduit, ils se préparèrent au départ. Pour ces quelques matelots, la dernière consigne était de s’habiller en civil.

« Messieurs, je vous demande de m’excuser. Nous ne reviendrons peut-être jamais de cette excursion. Cependant, c’est aussi l’occasion de montrer à tous nos collègues que nous ne sommes pas une bande de lâches. Lorsque l’on a besoin de nous, on répond présent. Nous allons prouver nos valeurs, prouver que nous ne sommes pas que des facteurs et que nous pouvons être efficaces en milieu hostile. », lança le samouraï alors que le navire prenait le large. « Soyons fiers et rigoureux. La peur est la petite mort. Tâchons d’être vaillants face à elle. »

Après tout, il s’agissait de Marre-Coche après tout.