Les débuts dans la Révolution [FB]

« Wanokuni, hein ? Qu’est-ce qui t’amène ici, dans la plus grande déchetterie du monde ?
- Le changement.
- Le changement ? Vois-tu un quelconque changement à venir ?
- Oui. Vous.
- Moi ?
- Vous êtes la première chose que je vais façonner, monsieur.
- Mouhahaha. Tu ne manques pas de toupet, gamin. »

Voici la première rencontre entre le jeune Miyamoto et le vétéran Bryce Hoor. Il sentait comme une odeur de défi qui prenait le pas sur cette puanteur quotidienne. Bryce, administrateur et probablement le plus grand responsable révolutionnaire des blues, semblait avoir perdu de sa flamme d’autrefois. Miyamoto Musachi, jeune révolutionnaire en devenir, motivé et empli d’une confiance inébranlable. Au-delà du passage obligatoire, le jeune originaire de Wano’ était ici avant tout pour se perfectionner. Par la même occasion, il s’était donné comme mission de remettre le vieil homme sur les bons rails. D’autres avaient essayé et s’étaient heurtés à un mur. Difficile pour un homme de se relancer après avoir perdu tous ses plus proches amis.

« Tu sais, gamin, j’en ai vu d’autres des comme toi. Des jeunes gens remplis de rêves. Ils sont morts pour les plus malheureux, reconvertis à une vie ordinaire pour les chanceux. Rares sont ceux qui survivent et tiennent dans notre mouvement. En parlant de mouvement, cela fait bien longtemps qu’il est plus ou moins éteint. »

Le jeune épéiste resta silencieux.

« Notre flamme s’est éteinte. L’homme qui était autrefois capable de nous rassembler est maintenant mort. Je reste car je n’ai jamais rien su de plus que d’être un révolutionnaire, mais ma conviction s’effrite un peu plus chaque jour. Le Gouvernement Mondial a gagn…
- Stop. Il m’est insupportable d’écouter un vieux pleurnicheur. »

La mâchoire du vieux tireur d’élite se contracta et il se crispa entièrement. Ce qui suivit après fut un combat à sens unique. Musachi fut incapable d’imposer son rythme et de résister aux coups portés par ce vieil homme en colère, manifestement toujours en forme. Spécialiste des armes à feu, il ne lui fallu que ses poings pour se défaire de l’énergique épéiste. Un fossé les séparait. Au bout de quelques minutes, Miyamoto gisait au sol, ensanglanté, ses vêtements dans un piteux état. S’il pensait y être allé trop fort, Bryce s’en moquait. L’éducation passait par de bonnes roustes.

« Tu n’es de taille à affronter personne, fiston. Retourne chez toi et ne reviens plus. »

Il retourna ses talons et s’en alla. Musachi le vit retirer la poussière d’un geste de la main avant de complètement disparaître de son champ de vision. Le jeune homme sourit. Le façonnage avait débuté plus tôt que prévu. Peu importait les roustes, il les acceptait volontiers et se relevait à chaque fois. Cette première rencontre, même si elle avait un mauvais goût de sang, offrait de belles perspectives d’avenir pour la révolution sur les blues. Résolu et plus motivé que jamais, le révolutionnaire fit un gros effort pour se retourner et s’allonger sur le dos. Observant le ciel nuageux, provoqué par l’usine de recyclage, le rêveur songea alors un avenir meilleur pour les « siens ». Des pas le ramenèrent aussitôt à la réalité.

« Alors, p’tit gars, on a pour idée de changer la face du monde ?
- Et elle changera, fit-il en se redressant difficilement.
- Hm. C’est pas comme ça que t’y parviendras, mon vieux. On m’appelle « Prof Tusfa », enchanté.
- Miyamoto.
- J’suis un scientifique. J’invente des choses qui peuvent servir à la cause. D’ailleurs, j’ai b’soin d’un gars robuste pour tester des expérimentations. Tu m’suis ?
- Sans façon. Mais merci pour la proposition. »

Dans un ultime effort, il parvint à se lever et à s’éloigner de ce scientifique peu recommandable. S’il ne doutait pas de ses compétences, il redoutait ses méthodes – à son humble avis – peu orthodoxes. Il n’avait senti aucune volonté révolutionnaire chez cet homme. Pourtant, il semblait travailler au « service » de la cause.

« Bon, bon. », fit-il en claquant son visage avec ses deux mains.

Il devait maintenant trouver un lieu où se restaurer. Il s’était mis en quête de réitérer son expérience du jour, jusqu’à ce que Bryce n’ait d’autres choix que de l’accepter comme l’un des siens.

« Vieil homme… C’est vraiment nécessaire ?...
- Si tu veux faire mal à ton adversaire, oui.
- Fait chier. »

Miyamoto n’avait pas touché sa lame depuis quelques jours. Il n’avait plus affronté Bryce depuis la première fois également. Ce dernier lui avait vivement conseillé de forger son corps avant d’entamer quoi que ce soit d’autre. S’il avait pris de l’avance à Wanokuni, en maniement de la lame, sa puissance restait dérisoire. Même un retraité comme l’administrateur de la révolution des blues ne craignait pas l’épéiste. S’il possédait des compétences et un potentiel évident, il n’était à l’heure actuelle une menace pour personne. Et si ça l’emmerdait bien comme il faut, il ne put nier l’évidence quand son mentor actuel le lui balança en pleine tronche.

Il lui apprit aussi le repos.

En-dehors de ses entraînements, plutôt que de pousser son corps à l’extrême et puiser dans ses cartouches dès le début de la semaine, le jeune révolutionnaire décida d’observer le vieil homme. D’ailleurs, il prit tout simplement le temps de s’intéresser à Garbeige. La population y était pauvre, sale et en mauvaise santé. Pourtant, la milice révolutionnaire survivait et continuait d’alimenter les forces alliées des blues. Malgré cette pauvreté, Bryce assura à son apprenti que la situation s’est largement améliorée et qu’elle fut bien plus déplorable avant son arrivée. Curieux, Musachi se demandait comment une ville-poubelle pouvait survivre dans cette société où seul l’argent permettait de vivre.

« Grâce à l’usine de recyclage. Si les habitants des îles célestes ne recyclent rien et nous prennent pour leur poubelle, cela fait néanmoins nos affaires. Nous sommes capables de remettre beaucoup de choses en état et de les revendre par la suite. Notre plus grande source de revenus est la revente de Dials. Le monde entier en raffole, on les remet comme neuf et on les vend moins chers que les commerces classiques. Et on arme nos partisans avec cette technologie. »

Les dials, pensa le taciturne en se tenant le menton. S’il était habitué à combattre avec sa lame, il n’était pas contre d’utiliser d’autres moyens. D’autant plus que malgré son manque de puissance, son agilité restait sa force. Il pouvait se mouvoir comme un félin et réaliser des mouvements dignes des plus grands acrobates. Mais son esprit pratique revint rapidement sur l’essentiel, à savoir l’organisation de cette structure révolutionnaire. Que devenait-elle ? Depuis l’effondrement de l’Armée Révolutionnaire, il n’avait plus jamais entendu parler d’un quelconque mouvement, d’armée en place. Les mains dans les poches, aux côtés du vieil homme, il continua sa visite en questionnant :

« Et qui sont les partisans ? Cela fait bien longtemps que l’on ne parle plus de révolution.
- Et pourtant, te voilà.
- Je dois être premier volontaire que tu vois depuis au moins une décennie. Les révolutionnaires ne courent pas les rues et je le vois depuis mon arrivée ici. »

Bryce sourit avant de reprendre. S’il ne comptait pas lui dire, il appréciait grandement le franc-parler et l’observation de son apprenti.

« Je crains que tu ne sois né trop tard, fiston. Si je m’efforce de continuer à trouver des solutions, à alimenter le réseau, je doute que la flamme se ravive. Je sais qu’il existe des survivants de la Grande Guerre, qui continuent de lutter contre le Gouvernement Mondial, mais ils sont éparpillés et bien trop faibles. Tu as rencontré Ragnar, probablement le plus polyvalent de tous, mais aussi le plus mystérieux et malheureusement le plus violent.
- Tout changement mérite des sacrifices, n’est-ce pas ? rétorqua le jeune homme.
- Oh ? Je vois que tu as passé bien trop de temps avec lui. Mais ce raisonnement n’est malheureusement pas faux. En tout cas, en continuant d’agir de manière aussi désorganisée, même nos meilleurs éléments s’épuiseront.
- Eh bien, quel est le problème ? Il suffit de rassembler tout ce beau monde.
- Hum. Crois-tu que personne n’y a pensé ?
- Penser et agir son deux choses différentes, vieil homme. Je m’en occupe. »

A la fois surpris et épaté par tant d’aplomb face à l’ampleur de cette tâche, Bryce ne sut vraiment comment réagir.

« Dans ce cas, fiston, trouve Samar et tu pourras rassembler tous les autres. »

Samar ? Qui était cette Samar ?

Samar El Ghamal, originaire de Sinah, pays chaud et aride. Comme beaucoup, elle s’était intéressée au commerce, puis à l’archéologie, étant donné les nombreux vestiges présents. Hélas, rapidement, quand le royaume rentra sous l’autorité du Gouvernement Mondial, elle prit la fuite. Si dans l’ensemble du monde, la royauté avait accepté l’affiliation, la vérité fut quelque peu remaniée. Les opposants à cette affiliation furent jetés dans les cachots et mis à tabac pour les plus chanceux, sauvagement assassinés pour les plus malchanceux. D’autres encore, un peu entre les deux, ont tout simplement été renvoyés comme esclaves. Le village de Samar, par exemple, a été rayé de la carte. Ils s’étaient tous opposés à ce partenariat avec le diable et l’ont payé de leur vie. Sentant le vent tourner, quelques familles ont envoyé leurs enfants chez des proches dans les villages alentours.

Ainsi, une fois l’âge d’être autonome atteint, elle quitta son royaume natal, la rage au ventre. Si, selon elle, les dirigeants de son royaume ont agi comme des lâches, la pression exercée par le Gouvernement Mondial était responsable de cette tragédie. Voilà comment lui fut présentée Samar dans un premier temps. Des débuts plutôt fracassants et rien ne laissait présager qu’elle serait du côté de la révolution. Les vengeurs n’avaient rien à faire avec eux. Miyamoto était plus d’accord avec cela. On agissait pour se venger mais pour créer un avenir meilleur. Si dans un premier temps, le jeune homme n’était pas très emballé à l’idée de rencontrer cette personne, Bryce insista pour lui faire changer d’avis.

« C’est une femme brillante. Si je parviens à communiquer avec mes équipes, aussi bien sur cette île que sur les blues entières, c’est grâce à elle. Une magicienne, fiston. Un réseau crypté, des codes pour communiquer en toute sécurité. Ce n’est pas celle que tu imagines, en quête de vengeance, mais une personne bien déterminée à sauver des peuples opprimés et éviter qu’une telle histoire n’arrive à d’autres gamins.
- Admettons. Comment la rencontrer ?
- Err… C’est bien le problème. On n’a plus aucun contact depuis un moment. Même pas un message codé. Rien. J’espère qu’il ne lui est rien arrivé de mal. »

L’épéiste resta songeur quelques instants. S’il espérait pouvoir rassembler les troupes du monde entier, il devait être en mesure d’entrer en contact avec tous les plus grands noms du mouvement. Et pour ce faire, il avait besoin des compétences de Samar qui, jusqu’à présent, était aux abonnés absents. De plus, Miyamoto était ici pour se perfectionner et ne partirait pas sans avoir atteint cet objectif, sans compter que Ragnar avait prévu de le tester ensuite. Ces nouvelles n’arrangeaient guère ses affaires mais il allait devoir faire preuve de patience pour ne pas griller les étapes. Inutile de brûler les ailes dès le départ.

« Bien. Finissons ma formation en accéléré. Ensuite, je passerai mon test final et je partirai en quête de cette Samar.
- Tu m’plais, fiston. J’te pensais fonceur et irréfléchi, mais j’me suis trompé sur ton compte. »

L’apprenti retira sa veste de costume pour ne pas la salir et dégaina sa lame, prêt à en découdre. Musachi avait maintenant une direction, un objectif et rien en ce bas monde ne pourrait l’arrêter. Dans son regard déterminé, le vieux Bryce comprit que le gamin ne reculerait devant rien à présent. S’il doutait de ses compétences au début, c’était maintenant de l’histoire ancienne. Il le prenait au sérieux et reprenait lui-même du service, retrouvant l’espoir grâce au jeune révolutionnaire.

« Allons-y. », lança Miyamoto en s’élançant vers son coach.