[FICHE D'ÎLE] d'Île du Karaté

Elle a l’air dévastée, comme ça, l’Île du Karaté. Mais si d’aventure vous demandiez aux habitants ce qu’ils en pensent, ils vous assureraient qu’elle est dans son état normal. « Normal », au sens de la normalité entendue par la culture locale. Une à laquelle il est malaisée de s’adapter.

Sur l’Île du Karaté, tout est Karaté. Se dire « bonjour » ? Cela passe par un coup tranchant de la main sur l’omoplate. Accomplir quelque activité professionnelle que ce soit ? Cela passera nécessairement par Atemis Waza et autres Mawashigeri.

Tout. Est. Karaté.

Des relations humaines jusqu’à la moindre tâche de la vie domestique, tout passe par là. À un point où le résultat est dysfonctionnel à souhait, bien que tout à fait cohérent. Car même la folie a sa cohérence du moment qu’elle se répète dans les mêmes conditions en plusieurs occasions données.

Ainsi, puisque tout passe par le Karaté, les habitations sont délabrées et détruites – à commencer par les tuiles fondant leur toit – et les arbres des forêts de l’île sont détruits ou sculptés de sorte à servir de pilier d’entraînement géant. Le pire drame de l’île n’étant alors pas que tout ce qui pourrait s’envisager de constructif passe nécessairement par un art-martial destructeur, mais du trésor sur lequel est assise la population. En effet, sur l’Île du Karaté, on y trouve un des bois les mieux attribués au monde à la construction naval du fait de sa solidité et sa flottabilité. Mais ce bois là, on s’en sert pour perfectionner ses prises et pour rien d’autre.

Inutile de chercher à leur faire entendre raison, la diplomatie aussi passe par le Karaté. La seule denrée que les locaux sont à même d’exporter sont leurs poings et leurs pieds dans la tronche du premier venu. Mais jamais agressivement, car outre cette coutume déroutante qu’est la leur, tous sont très sympathiques. Ceux-là enchaînent les prises de Karaté tout en parlant de banalités et ce, des plus jeunes ou plus vieux. Tout le monde a le sourire sur l’Île du Karaté. Pas nécessairement avec toutes ses dents, mais avec le sourire quand même.

Curieusement, malgré le caractère rupestre de leur culture, les Karatékas ont développé un style de société harmonieux, les échanges ne passant pas par les devises, mais les prises de Karaté. Ainsi, l’île a développé un ensemble culturel complexe ne nécessitant pas l’usage de la monnaie ou du troc. La Révolution elle-même n’a jamais été capable d’accomplir un tel prodige ; mais elle se garde toutefois de les imiter.