[Fiche d'île] Shell Town

Lorsque la 153e garnison de Marine fut bâtie en 1514, la population de Shell Town, dans son entièreté, accueillit la nouvelle avec une joie certaine. Sur cette petite île où les habitations débordent jusqu’aux rivages, il n’était en effet pas rare de subir quelques fréquentes razzias flibustières. Le Gouvernement Mondial, soucieux de ne pas perdre la face considérant que cette île peuplait son giron, décida de ce fait de mettre les petits plats dans les grands. Avec une caserne surarmée, dont la superficie dépassait celle du parc immobilier le l’île toute entière, l’influence de la Marine sur place fut considérable. Suffisamment en tout cas pour influer sur les mœurs d’un peuple qui n’avait pourtant quémandé que la sécurité.

Les assauts pirates cessèrent bien assez tôt, les embarcations des boucaniers finissant immanquablement coulées par les canons venus cercler les cimes de Shell Town. De petite île perdue sur East Blue, Shell Town ne tarda pas à devenir une forteresse miniature où les malveillants s’y casseraient toujours les dents.

Passée la période de liesse, l’installation de la Marine dans les lieux laissa place à un changement de pouvoir d’abord, puis de paradigme ensuite. Le pouvoir exécutif, législatif et même judiciaire fut arrogé par le colonel local. Qui le lui aurait contesté, à lui et ses 5000 hommes armés ? Le Gouvernement Mondial fit mine de ne jamais avoir vent de l’affaire, sachant pertinemment de quoi il en retournait. Aussi longtemps que l’impôt céleste fut prélevé, on ne se montra pas plus regardant que cela sur ce despotisme provincial. La population, en dépit de l’oppression, prospéra considérablement. C’est au colonel Setho que l’on dut bon nombre de réformes salutaires. La lourdeur de l’administration fut en effet considérablement allégée et la liberté de commerce mieux assurée qu’ailleurs sur East Blue. Même si l’impôt céleste pesait lourd, le coût de la vie fut si bien tiré vers le bas grâce à la concentration des pouvoirs d’un seul homme, que les habitants gagnèrent au change.

Personne, en effet, ne trouva un quelconque motif légitime à se plaindre pour ce qui tenait à la situation économique. Chacun mangeait à sa faim et les infrastructures était superbement entretenues par les pouvoirs publics. Cela, sans compter l’édification d’un hôpital où l’on venait de partout aux alentours pour s’y faire soigner. Des soins qui, pour les habitants de l’île, étaient gratuits du fait de l’excellente gestion. Toutefois, une société ne vit pas que d’économie et de considérations matérielles. Car outre ces bienfaits, les mœurs furent adaptées à la sauce du despote gouvernemental. Celui-ci, portant un regard sur les femmes dont on pouvait dire qu’il était rétrograde, sinon arriéré, avait des idées fixes quant au rang que celles-ci devaient occuper.

Du point de vue du droit, à Shell Town, la femme y a un statut de citoyen de seconde zone. Une zone très reculée qui plus est. Il leur est permis de travailler, mais le salaire sera distribué à leur mari, à leur père ou à leur frère selon leur statut. Car une femme, à Shell Town, si elle ne vit pas sous l’autorité de son père, doit nécessairement être mariée ; quitte à ce que cela se fasse contre sa volonté, dans l’éventualité où aucun homme ne peut en assumer la responsabilité. Toute épouse ou fille est alors nécessairement subordonnée à son époux ou à son père, ceux-ci ayant droit de les sanctionner au moindre écart. À Shell Town, où les femmes y sont cloîtrées comme des perles dans une coquille, l’adultère y est puni de mort par peloton d’exécution ; hommes et femmes confondus.
Du reste, si une prime généreuse est accordée aux naissances – moins généreuse cependant si la naissance concerne une fille – la Marine se garde le droit de faire de tout garçon né sur son territoire, un réserviste amené à faire ses classes à la caserne.

L’ordre social, étriqué au point qu’on en étouffe pour certaines, s’accomplit ici au détriment du respect des libertés de la femme. Pour autant, rares sont celles à quitter l’île. Les natives préférant de loin cette situation précaire aux razzias, et les immigrées – d’anciennes esclaves libérées en mer par le colonel pour la plupart – préfèrent ce sort peu enviable à leur précédente condition.

Toutefois, la loi autorisant la polygamie pour les plus aisés aura créé quelques remous sur place. Assez en tout cas pour que quelques idées révolutionnaires commencèrent à germer dans les esprits.